UN CRIME CONTRE LA PAIX

UN CRIME CONTRE LA PAIX


Le masque est tombé : le gouvernement américain ne peut plus prétendre soutenir un ordre international fondé sur le droit. Les Etats-Unis se lancent dans une guerre d'agression. En abandonnant brutalement le terrain diplomatique aux Nations-Unies, où elle n'a pas pu obtenir un soutien adéquat pour une guerre que l'opinion mondiale refuse, l'administration Bush montre qu'elle n'avait aucune intention de respecter une décision de l'ONU qui fût autre chose qu'une copie conforme de sa propre politique, déjà décidée depuis longtemps. Nous assistons aujourd'hui à la mise en oeuvre d'une stratégie énoncée dans un document de la Sécurité nationale publié en septembre 2002, dans lequel l'administration affirme clairement son intention de conserver l'avantage militaire et économique du statut d' "unique superpuissance", capable d'imposer sa volonté au reste du monde.

L'Organisation des Nations-Unies a été fondée pour "préserver les générations futures du fléau de la guerre". Sa Charte énonce les conditions, strictement limitées, dans lesquelles les nations peuvent faire la guerre : pour se défendre contre une agression (article 51) ou, avec l'autorisation du Conseil de Sécurité, pour restaurer la paix interationale (chapitre VII), mais seulement lorsque tous les autres recours sont épuisés. Ni les guerres "préventives", ni celles visant un "changement de régime", ni même celles conçues pour sanctionner le refus de se conformer à une décision de l'ONU, ne sont permises. L'Article 2 de la Charte exige que les Etats s'abstiennent de tout usage de la force, et de toute menace de son usage, qui ne soient pas conséquents avec la défense de la paix -- la mission essentielle de l'ONU.

Les arguments proposés par l'administration Bush en faveur de cette guerre reposent sur le mensonge et l'hypocrisie. Ils ont d'ailleurs été sujets à des révisions fréquentes. Aucun lien entre le régime de Saddam Hussein et les réseaux d'Al-Qaida n'a pu être démontré. Les "preuves" tant vantées de l'existence d'armes de destruction massives cachées n'ont rien donné. Qui croira qu'il s'agit d'une guerre pour augmenter la sécurité dans le monde ? Avant même que les premières bombes ne tombent, le recrutement d'agents par al-Qaida a connu un pic (New York Times 16.03.03). Bush lui-même admet que "dans leur désespoir, Saddam Hussein et les groupes terroristes pourraient essayer de mener des opérations terroristes contre le peuple américain et nos amis". La justification de cette guerre comme moyen de confisquer des armes de destruction massive n'est guère crédible venant des Etats-Unis, qui possèdent plus de 10 000 têtes nucléaires. Et si la violation des résolutions de l'ONU constituait une cause juste et suffisante pour envahir un pays, un pays comme Israël aurait été envahi par des troupes sous l'égide de l'ONU plus de 30 fois depuis 1967 ! Cette guerre annonce inévitablement des crimes de guerre. Il y a des précédents : à la fin de la Guerre du Golfe de 1991, 6000 soldats irakiens qui étaient en train de se rendre ont été enterrés sous le sable, morts et survivants ensemble. On comprend que les Etats-Unis manquent d'enthousiasme pour la Cour pénale internationale. Cette fois-ci, les forces armées ne cachent pas leur intention de lancer jusqu'à 800 missiles Cruise sur l'Irak pendant les 48 premières heures de la guerre. Un porte-parole du Pentagone a déclaré qu'il n'y aura "aucun lieu sûr" à Bagdad. La population civile est donc visée, ce qui constitue une violation grave de la Convention de Genève. En 1991, les forces armées américaines ont laissé 40 tonnes de matériaux radioactifs en Irak et au Koweit : les taux de cancer ont augmenté de 700 pour cent. Cette fois-ci, des armes contenant de l'uranium appauvri seront probablement utilisés de nouveau. Même l'usage d'armes nucléaires tactiques n'est pas officiellement exclu.

Il est trop tard pour préserver le peuple irakien du deuil et de la dévastation, mais il n'est pas trop tard pour condamner cette guerre pour ce qu'elle est : une violation du droit international, un crime contre la paix. Lors des procès de Nuremberg, le juge Robert Jackson a déclaré : "Initier une guerre d'agression est le crime international suprême, qui diffère des autres crimes de guerre seulement en ceci qu'il contient en lui-même le mal accumulé du tout".

Exigeons une réunion d'urgence de l'Assemblée Générale de l'ONU, où aucun Etat ne détient un droit de véto, pour faire adopter une résolution de condamnation de cette guerre illégale. Exigeons ensuite que les personnes responsables d'avoir déclenché cette guerre soit jugées devant un tribunal national ou international. Le 18 mars, Bush a déclaré : "Les crimes de guerre seront sanctionnés, les criminels de guerre seront punis". Pour une fois, nous sommes d'accord ! Veillons à ce que sa déclaration soit suivie d'effet.